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Expositions

2008, «Eclairages. Regards sur les collections du musée», mcba, Lausanne

Descriptif

Avec Ariane Epars, Décosterd & Cotting, Illona RUegg, Banz & Bachmann, Robert Ireland
Conversation avec conservatrice

Extrait de la conversation entre Nicole Schweizer, conservatrice au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, et Robert Ireland, artiste, dans son atelier, le 19 juin 2008.

NS: Quel rapport entretiens-tu avec la collection et le musée ?
RI: Le musée en tant que lieu de l’art instaure un double rapport: tout d’abord au passé et à l’Histoire de l’art; et ensuite à la pratique contemporaine de l’art et à la manière de regarder. Le musée, contenant divers passés plus ou moins antérieurs et au moins le présent des visiteurs, maintient un lien temporel malgré une mise dos-à-dos entre l’Histoire et le Présent. L’Histoire est ce qui est archivé, tandis que le présent est ductile. Mais ce n’est pas si simple puisque le présent prend appui sur ces passés composites.
La différence entre la création contemporaine et le corpus historique de l’art est que l’art historicisé apparaît comme étant plus durable. Il a en effet un statut fixé (scientifique). Tandis que la création actuelle, en devenir — paradoxalement parce que plus «fraîche» (comme on le dit d’une peinture) — est cependant plus à même de devenir une ruine accélérée, contemporaine, à travers l’innovation et l’ouverture à de nouveaux médiums. Notre perception de l’Histoire la voit s’accélérant tandis que l’espace semble rétrécir.
Le musée, mnémosyne: lieu de la mémoire et de l’archive. Il s’oppose en apparence à la pulsion créatrice qui, dans le monde contemporain et depuis les appels suprématistes de Malévitch à brûler les musées, s’interroge sur l’éphémère, le temps-vite. Tandis que le terme même de «conservation» dénote un aspect morbide (bonne pour les cadavres).
NS: Comment as-tu abordé la question de la collection pour cette exposition, et celle de sa présentation ? Car de fait, elle est plutôt invisible.
RI: Mon travail sur la collection dépasse le seul cadre du musée. J’éprouve un intérêt marqué pour les systèmes de pensée et de classement: Kant disait que la nature de l’être humain était de classer les choses. Ce ne sont pas tant les disciplines (comportementalisme, ethnographie, statistiques…) qui m’intéressent, mais plutôt la façon que l’homme a de mettre en image le savoir, afin de le transmettre.
Gilles Deleuze disait que ce qui est intéressant, ce ne sont pas les choses, mais ce qui se passe entre les choses. Mes titres confirment que j’essaie, précisément, de travailler dans cet entre-deux; «syntaxologie», «occupations de l’espace», «évidements», «contacts», «hiatus», «réserves»…
Dans le cas des grands dessins intitulés «Les réserves», c’est l’espace entre les toiles (absentes, pas visibles, infigurables) qui est peint. Tout est question de place et d’agencement.