2003, «Logos Requiem», galerie Skopia, Genève
LOGOS REQUIEM
Si, de longue date, j’ai agencé ces séquences de diagrammes, schémas, arborescences et cladogrammes, j’étais encore loin de me douter des implications de cet acte. Pris dans mon temps d’Homme, j’ai déposé ces dessins du savoir comme l’on dépose les armes après la défaite. Tous ces outils de la pensée scientifique gisaient là, empilés, entravés d’inutilité. Je leur reconnaissais une beauté intrinsèque —sans trop savoir pour quelle raison (comme attiré par le mystère occulte de leur aspect hiéroglyphique)— mais je ne savais déjà plus que vaguement leur sens précis, dès lors dépassé de toute façon par la vélocité abyssale de la recherche scientifique et des codes servant à la représenter.
Et tout à coup, je me suis rendu compte avec effroi que tout cela était fort «post-moderne». Cela me glaça d’autant plus le sang que je m’étais de tout temps évertué à prôner le sens des choses et que le formalisme post-moderne m’irritait.
Et là, je me vois pris dans un système sans vraie échappatoire: la post-modernité m’a subsumée. Mon esprit critique lui-même a été ingurgité par cet espace-temps. C’était comme marcher à reculons.
Avec tout ce qui s’est passé et tout ce qui se passe —élargissant ma sphère du sensible et d’étant, bien malgré moi— Je n’ai pu que constater la victoire du non-sens. Cette prégnance semble même m’avoir contaminé et, du coup, je ne suis plus assuré de ma position critique car elle semble avoir été récupérée par la nonchalance du non-sens.
J’avais cru comprendre les choses autrement; j’avais cru transmettre des messages, ou du moins des dérèglements. Il n’en est point ainsi, entendu que le visible de mes propres images échappe à mon propre contrôle.
C’est sans soute tout cela qui a généré en moi le sentiment trouble du «repos», de la lassitude, peut-être même d’un léger abandon face à la prédominante perte de sens. Et cela n’a pu que me faire prendre conscience de LOGOS REQUIEM, du Savoir au Repos (au rebut): comme si c’était un sale moment à passer, qu’il valait mieux courber l’échine et ne pas trop se faire remarquer: historiquement et artistiquement parlant. On s’en tirerait bien d’une façon ou d’une autre.
C’est indubitablement ce que se sont dit ces personnes dont on retrouve les noms en phylactères déroulés, gaufrés dans un profond béton: «ça passera bien; on s’en sortira peut-être». (C’était encore en 14).
On peut toujours passer à côté des images sans s’y arrêter…